« Nous nous sommes rencontrés à l’Agence Magnum en 1979, j’ai été séduit par son incroyable capacité de travail et son talent. C’est vraiment la nouvelle génération de photographes, engagés,concernés ; du strip-tease forain à la guerre civile au Nicaragua, courageuse, prenant des risques incroyables, intelligente, sachant toujours trouver une réponse à ses questions, auteur de livres parfaits, artiste au service de causes aussi différentes que celle des Kurdes. Elle a cette approche d’ethnologue et d’esthète, mélange rare qui fait d’elle une des meilleures photographes américaines. Modeste elle aussi, je tenais à saluer son courage, son engagement et ses photographies. »
Raymond Depardon

Carnival Strippers
Il s’agit d’une sélection de photographies de la première monographie de Susan Meiselas, Carnival Strippers (Farrar, Straus and Giroux, 1976 ; rééditée par Whitney Museum/ Steidl, 2003), un regard sur les spectacles de filles donnés dans des tentes à l’écart, lors de petites fêtes foraines de la Nouvelle-Angleterre au début des années soixante-dix. Cette approche documentaire de scènes à forte charge sociale renvoie à un épisode précis de l’histoire des États- Unis et du mouvement féministe, tout en se penchant
sur la vie de ces femmes et des hommes qui paient pour les voir. Un montage sonore de voix multiples donne sa texture à chaque perspective.
 
Recadrer l'Histoire
Les documents photographiques historiques ont leurs propres histoires. Ils deviennent partie intégrante de l’histoire qu’ils attestent. Non seulement la mémoire nous rappelle l’Histoire, mais elle lui donne une forme : elle a un pouvoir sur l’Histoire. En juillet 1979, une insurrection populaire menée par le Front sandiniste de libération populaire renversa le dictateur du Nicaragua Anastasio Somoza. Les sandinistes gouvernèrent le Nicaragua jusqu’en 1990 où, après des années de guerre contre une guérilla soutenue par les États-Unis, ils perdirent les élections. Les photographies de Susan Meiselas sur le soulèvement de 1978-1979 contre la garde nationale de Somoza furent publiées dans le monde entier et réunies dans un livre. Vingt-cinq ans plus tard, en 2004, elle réalisa des agrandissements de dix-neuf clichés et partit les installer près des lieux où elle les avait pris. Ce projet prolonge le cycle commencé par un événement historique qui a profondément affecté ceux qui l’ont vécu ou suivi et qui conserve son importance longtemps après avoir quitté les feux de l’actualité internationale.