Hors les murs

Lahem

Lauréat
Jimei x Arles Discovery Award 2023

L’artiste Lahem, avec son projet Fracture de la modernité : l’odyssée du retour dans la ville natale, proposé par la commissaire Joanna Fu, a remporté le Jimei x Arles Discovery Award 2023. Lahem reçoit un prix de 100 000 Yuan et sera invité à exposer aux Rencontres d'Arles en 2024.


Fracture de la modernité : l’odyssée du retour dans la ville natale
Sibei (qui signifie « derrière le temple ») est un village de la région montagneuse de Jiangxi dans le sud de la Chine. Il doit son nom au temple qui se trouvait jadis à l’entrée du bourg. Le monument a aujourd’hui disparu, mais le toponyme a été conservé depuis presque 500 ans. L’artiste Lahem est né à Sibei en 1984 et y a passé sa jeunesse.

Sibei est à Lahem ce que l’Inde est à V. S. Naipaul. Pour l’auteur indo-britannique de la « trilogie indienne », « l’Inde est une douleur pour laquelle on a beaucoup de tendresse, mais dont on finit toujours par vouloir se séparer ».

La thématique de la ville natale est essentielle dans le travail de création de Lahem depuis 15 ans. Nomade en suspens entre son village d’origine et la grande ville depuis 2007, l’artiste utilise Sibei comme toile de fond. En explorant différentes dimensions, telles que la terre, l’identité, la migration et la transformation, il a successivement donné naissance à des œuvres telles que Lost, Return to Hometown et la série Luo Fuping, réalisant ainsi sa propre Hometown Trilogy.

En s’intéressant aux fractures profondes de la modernité, Lahem explore avec persévérance son lien fluctuant avec la ville et son village natal. Il emploie divers supports, notamment la photographie et la performance, pour traduire les dilemmes que rencontrent les individus sur le plan de l’identité, de la psychologie et de la spiritualité lorsque surviennent les souvenirs de leur ville natale. Tout au long de cette exploration, il observe et documente de manière rationnelle et continue les conditions de vie et les réalités environnementales de sa famille et de la population de Sibei.

Le processus créatif transforme progressivement « Sibei » en une force invisible et incontrôlable. À travers l’objectif de Lahem, le village commence à « se révéler », donnant lieu à la création de Fracture de la modernité : l’odyssée du retour dans la ville natale. Le travail de l’exposition libère Lahem de la dualité complexe entre l’individu et le village natal représenté dans Hometown Trilogy, et son récit sur l’histoire de vie individuelle. À l’inverse, il positionne l’artiste dans un destin partagé avec la terre, les montagnes et les villageois, qui se confrontent collectivement au regard des lois de la nature. Sibei devient ainsi le sujet principal de l’œuvre, tandis que Lahem, l’artiste, s’efface peu à peu jusqu’à se fondre dans l’arrière-plan.

« Le Ciel et la Terre sont impitoyables, ils ne font pas de différence entre un brin de paille, un chien et un être humain. » En d’autres termes, la nature ne connait pas de hiérarchie, elle n’accorde pas plus de valeur à une chose qu’à une autre. Dans le contexte de « Sibei », cela signifie que les individus au fil des générations traversent la vie de manière cyclique, comme les plantes : ils naissent, se développent, puis meurent. Dans l’œuvre qui représente Sibei au cœur des montagnes, le paysage montre des habitations et des champs en évolution, des inondations périodiques ainsi que le cycle des fleurs qui s’épanouissent puis se fanent. Bien qu’empreintes d’une tranquillité et d’une simplicité évidentes, les images sont subtilement traversées par les thématiques de la mortalité, de la perte et de la violence occasionnelle.

L’exposition, synthèse abstraite de la Hometown Trilogy de Lahem, est un tribut à Sibei. Elle rend également hommage à toutes les autres villes natales qui, comme Sibei, sont en proie au processus irréversible de disparition. En examinant de manière approfondie les thématiques de la ville natale, de la mémoire et de la conscience de soi, en se plongeant dans ses perceptions intellectuelles et émotionnelles, Lahem a bâti, à travers ses images, un pont qui fait accéder Sibei au domaine du métaphysique. Objet initialement destiné à disparaître, il se mue en une essence immortelle inhérente à son nom, grâce à cette recherche et à cette reconstruction.

La grand-mère de Lahem avait des dons de voyance, son grand-père était l’un des « Huit immortels » qui portaient les cercueils, son deuxième oncle jouait de la musique aux mariages et aux enterrements, et, lorsqu’il était enfant, Lahem, jouait souvent du gong lors des funérailles. Cet environnement a permis à l’artiste, originaire d’une communauté montagnarde, de se transformer en « vecteur spirituel » dans le cadre de son travail photographique. C’est donc tout naturellement que les rituels traditionnels exécutés par sa communauté et par les villageois pour célébrer la vie, le vieillissement, la maladie et la mort, ainsi que les scènes de communication spirituelle, ont trouvé leur place dans ses images. Alors que l’acte photographique est sublimé en une forme de connexion spirituelle, l’espace d’exposition est lui-même métamorphosé en un espace médiumnique pour « Sibei ».

Dans ce contexte, « Sibei » transcende les récits mélancoliques de l’histoire moderne. Il ne représente plus simplement le village natal de Lahem, ancré dans sa dimension géographique, mais se mue en une terre éternelle qui existe depuis plusieurs milliers d’années sous le vernis de la civilisation moderne chinoise. Une terre qui résonne encore plus fortement avec les modes de vie traditionnels et appartient à chaque individu dans une acception universelle.


À PROPOS DE LAHEM
Lahem est né en 1984 dans le village de Sibei, dans la province de Jiangxi en Chine. Il vit actuellement à Hangzhou, où il travaille comme artiste et commissaire d’exposition.

Il est titulaire d’un diplôme de Bachelor en littérature, obtenu en 2008 au Département de chinois de l’Université de Fudan. Actuellement étudiant au sein des Archives sociales de la photographie chinoise de l’Académie des arts de Chine, il s’intéresse depuis longtemps aux questions de l’identité, de la mémoire et des écrits historiques. Ses œuvres ont été sélectionnées dans le cadre du prix Magnum de la photographie documentaire. L’une d’elles, intitulée Lost, a intégré une collection privée et sa collection publiée, Luo Fuping, a été sélectionnée dans la liste 2020 des meilleurs livres de photographie chinoise.


À PROPOS DE JOANNA FU
Joanna Fu privilégie une approche curatoriale fondée sur l’écologie générale de la création d’image dans une certaine région et ses caractéristiques de performance contemporaine. Elle a par exemple assuré le commissariat de Beneath the Surface—Taiwan Contemporary Photography Exhibition et de Hai, Dozo! A New Generation of Japanese Photographers.

Également écrivaine et chercheuse, elle est l’autrice de quatre livres : Creating a Solo Renaissance (2016) ; Beneath the Surface—Exploring the Inner Images of Taiwan: the Ecosystem of Taiwanese Photography Today (2017), qui lui a valu le titre d’« autrice la plus attendue de l’année en Chine continentale » par Eslite Bookstore en 2018 ; Dialogue: 21 Artist Who Reshaped Contemporary Photography (2021) et On the Scene: Photography Exhibitions From 11 Prominent Art Museums (2021), qui a remporté le titre de « Livre de photographie de l’année » dans la liste 2022 des meilleurs livres de photographie chinoise.

Ses travaux ont été publiés dans des magazines et sur des plateformes en ligne, telles que Chinese Photography, Jiazazhi, « ING », Photography World, Life Monthly ou encore ELLE MEN. De 2013 à 2022, elle a contribué à la rubrique « IMAGE » du magazine CITYZINE, qui était composée d’entretiens et de critiques d’artistes photographes du monde entier possédant une expression et un langage visuel uniques sur un sujet donné. En 2021, elle a rédigé une rubrique « Imageless » pour le magazine Popular Photography, qui dressait un bilan actuel et esquissait des tendances de la photographie à l’ère de l’IA.

En 2016, elle était jurée du prix du Talent émergent lors du Festival international de photographie de Taipei. De 2017 à 2019, elle a également été membre du jury de l’Exposition d’échange d’art photographique international de Taipei (Wonder Foto Day). Enfin, elle a officié au sein du jury de « PHOTOGO » au Festival international de photographie de Tainan.
Posté le 20.12.2023
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